Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. 1 Tim 2.5-6
Comprendre nos différences
J’introduisais cette série il y a quelques semaines déjà en tant qu’une réponse à une question commune que les chrétiens évangéliques se font poser au Canada français à savoir « C’est quoi votre patente? ». (Pour nos lecteurs non canadiens, patente désigne un objet, une chose, une pratique mal définie, étrangère). Du point de vue du Québécois moyen (catholique non-pratiquant), l’étrangeté de la pratique évangélique frappe d’abord au niveau des apparences: on n’a pas de prêtres, mais des pasteurs (qui sont souvent mariés!), nos églises ne ressemblent pas à des églises (on occupe plus souvent d’anciens commerces que de beaux édifices en pierres, somptueusement décorés et coiffés de clochers), nos « messes » détonnent (avec des chants gospel chantés ensemble, un message qui, bien qu’il s’efforce d’exposer les Écritures est pratique et tâche de rejoindre les gens dans leur quotidien, on fournit même des services pour les enfants!). Ces différences, bien qu’elles apparaissent à la surface, sont l’expression de différences fondamentales par rapport à ce que l’on croit; différences qui se sont exprimées à l’intérieur d’un mouvement qui a commencé il y a 500 ans et qu’on appelle la réforme protestante. Cinq différences fondamentales (qu’on appelle les 5 Solas) distinguent ainsi la conception protestante de la foi chrétienne à la foi catholique : comprendre ces différences nous permet ainsi de mieux se comprendre.
Solus Christus
Christ seul. Il ne s’agit pas à l’époque de la réforme de reconnaître l’exclusivité de Christ comme sauveur et Seigneur : sur ce point, catholiques et protestants s’entendent. C’est plutôt l’affirmation comme qui il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et l’humanité et que ce rôle est exclusif. Pour reprendre les mots de la Confession de foi Baptiste de Londres :
Cet office de Médiateur entre Dieu et les hommes n’appartient qu’à Christ, qui est le Prophète, le Prêtre et le Roi de l’Église de Dieu. Il ne peut pas, en totalité ou en partie, être transféré de lui à qui que ce soit d’autre. (Confession de 1689 – Chapitre 8.9)
La théologie catholique reconnaissait que la justification du croyant (le fait d’être déclaré juste devant Dieu) s’appuyait sur le sacrifice de Christ et était conféré au baptême. Toutefois, cet état de grâce était maintenu par l’adhésion du croyant à l’église et au système sacramental.
Sans nier l’importance d’être unis à l’église de Christ, les réformateurs critiquaient l’idée que quelque stratagème serve à diluer, partager ou transférer l’office de médiateur à qui que ce soit : qu’il soit prêtre, saint, évêque ou pape. Si on définit un médiateur comme « quelqu’un qui se place entre deux personnes », Solus Christus reconnait que seul Christ peut se placer entre le Père et le croyant.
Solus Christus explique plusieurs différences pratiques entre Catholiques et Protestants, en voici quelques-unes :
- La vénération des Saints et de Marie : Solus Christus rend inutile l’idée de demander à quelque personne que ce soit d’intercéder pour nous devant Dieu. Dans les Écritures, Jésus invite ses disciples à demander des choses au Père « en son nom », alors que les demandes de sa mère sont repoussées par lui à plusieurs reprises.
- Culte vs. Messe ; Pasteurs vs Prêtres : Solus Christus s’exprime aussi le dimanche matin : la liturgie catholique a repris en quelque sorte les catégories de l’Ancien Testament. Le prêtre catholique renouvelle le « sacrifice propitiatoire » de Christ à travers la communion. Jusqu’à relativement récemment, la messe se faisait en latin alors que le prêtre faisait dos au peuple (et face à Dieu), se plaçant littéralement dans l’église entre Dieu et le peuple. Les protestants reconnaissent que Christ est le seul prêtre : les Écritures affirmant qu’il a offert lui-même son propre sacrifice une fois pour toutes (Hébreux 9.11-13). Ainsi, les protestants ont des pasteurs (littéralement des bergers), plutôt que des prêtres, dont le rôle n’est pas de se placer entre Dieu et les gens, mais de conduire les gens à vivre eux-mêmes en communion avec Dieu.
Solus Christus aujourd’hui
L’exclusivité de Christ aujourd’hui est remise en question différemment. Ce qui rend Christ choquant pour notre culture n’est pas l’idée de la suffisance de Christ (Christ seul), mais l’exclusivité de Christ (seulement Christ). Dans une société pluraliste, l’exclusivité de Christ peut sembler intolérante : affirmer « seulement Christ » implique nécessairement que toutes les religions qui n’ont pas Christ ou qui ajoute à Christ soient vaines est offensant. C’est à ce niveau que la plus grande pression est exercée sur les chrétiens en occident aujourd’hui, et à ce niveau tant catholiques que protestants ont à affirmer (et réaffirmer) l’exclusivité de Christ.