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Jacqueline est chrétienne convaincue, formée en médecine, et travaillant dans le domaine de la santé publique. Depuis plusieurs mois, elle devient inquiète des décisions éthiques de ses supérieurs, lesquelles elle trouve contraires à la Bible. En soulevant à la direction ses objections de conscience, on lui répond qu’elle devra se plier aux politiques de l’organisation ou remettre sa démission. Pour Jacqueline, et pour d’autres qui se trouvent actuellement dans des situations semblables, la doctrine chrétienne et protestante de sola Scriptura (les Écritures seules) est d’un grand réconfort.

L’usage moderne du terme sola Scriptura remonte à la Réforme protestante européenne du XVIe siècle. Cette Réforme a été une tentative, depuis l’intérieur de l’Église catholique romaine, de renouveler les croyances et les pratiques de cette Église, afin qu’elles soient plus fidèles à l’évangile de Jésus-Christ.

Les Réformateurs, eux, ne sont pas anti-intellectuels. La plupart sont très scolarisés, tiennent en haute estime la place de la raison humaine, et encouragent l’engagement actif dans l’amélioration de la société. En même temps, ils agissent selon la conviction que la Bible seule est l’autorité suprême pour la vie. Elle doit primer sur l’autorité et de l’Église et de l’État.

Par exemple, à l’époque de la Réforme, à la Diète de Worms en 1521, le prêtre, théologien et réformateur Martin Luther est fortement critiqué par ses supérieurs ecclésiastiques. Ils insistent, eux, que les conciles de l’Église détiennent l’autorité et la responsabilité de juger la portée de l’enseignement biblique. Luther, dans sa réponse célèbre, dit le contraire :

A moins qu’on ne me convainque par des attestations de l’Écriture ou par d’évidentes raisons – car je n’ajoute foi ni au pape ni aux conciles seuls, puisqu’il est clair qu’ils se sont souvent trompés et qu’ils se sont contredits eux-mêmes – je suis lié par les textes scripturaires que j’ai cités et ma conscience est captive des paroles de Dieu ; je ne puis ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr ni honnête d’agir contre sa propre conscience. Je ne puis autrement, me voici, que Dieu me soit en aide. (Martin Luther, Œuvres, Genève : Labor et Fides, 1966, p. 316)

Selon les Réformateurs, ils n’ont pas eux-mêmes inventé la doctrine de sola Scriptura. Elle vient plutôt de la personne et de l’œuvre de l’Esprit Saint qui est l’auteur ultime des Écritures. Ceci fut la compréhension des apôtres de Jésus et l’enseignement de Jésus lui-même.

Par exemple, aux versets 16 et 17 de 2 Timothée 3, l’apôtre Paul écrit : « Car toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser et apprendre à mener une vie conforme à la volonté de Dieu. Ainsi, l’homme de Dieu se trouve parfaitement préparé et équipé pour accomplir toute œuvre bonne ».

Selon Paul, toutes les Écritures de l’Ancien Testament viennent de l’œuvre de l’Esprit Saint. Il guide les auteurs humains, afin qu’ils écrivent l’unique texte pouvant nous préparer à faire des œuvres qui plaisent à Dieu.

Ou bien, aux versets 13 à 14 du 16e chapitre de l’Évangile de Jean, l’apôtre Jean cite Jésus ainsi : « Quand l’Esprit de vérité sera venu, il vous conduira dans la  vérité tout entière, car il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il aura entendu, il le dira, et il vous annoncera les choses à venir. Il manifestera ma gloire, car il puisera  dans ce qui est à moi et vous l’annoncera ».

Jean affirme que le Saint Esprit révélera la vérité toute entière après son envoi par le Père et le Fils au jour de la Pentecôte. L’Esprit fera deux choses : il rappellera aux apôtres ce que Jésus a fait et a dit pendant son ministère terrestre ; et il révélera des choses nouvelles au sujet de la portée de sa mission de rassembler ses disciples de toute langue et de toute nation, et de renouveler la création entière. Les apôtres, eux, comprennent leur rôle de témoins oculaires de Jésus. Ils sont conscients d’écrire, sous l’égide de l’Esprit Saint, ce qu’est la révélation finale et complète de Jésus le Messie.

A l’heure actuelle, sola Scriptura reste une triple importance : (1) elle nous rend libres ; (2) elle nous garde humbles ; et (3) elle nous donne du courage.

Sola Scriptura nous rend libres

Notre conscience personnelle est importante, mais elle n’est pas suprême. La parole écrite de l’Esprit Saint est l’unique autorité absolue au-dessus de notre conscience. Nous obéissons à ce que la Bible nous commande. Nous évitons tout ce que la Bible nous défend. Et là où la Bible ne se prononce ni pour ni contre, nous sommes libres d’agir en cherchant ce qui est sage, selon notre contexte, nos forces et nos limites, et ce que nous estimons être dans les meilleurs intérêts de l’avancement de l’évangile, du bien de l’Église, et du bien de notre prochain et société.

Ceci est profondément libérateur. Par exemple, au sein de l’Église, personne ne puisse dire à un autre « Tu dois faire ceci, car Dieu me l’a révélé ». Pourquoi ? Parce que l’Esprit Saint a cessé de ce faire après la révélation apostolique ultime. La Bible est suffisante en elle-même pour que nous puissions connaître notre Seigneur et ses désirs pour notre vie, ensemble et individuellement. Ou bien, l’État ne peut contraindre notre conscience devant ses lois étant contraires à la Bible. Comme Jacqueline, nous sommes libres de suivre notre Seigneur selon sa volonté plutôt que de nous sentir obligés de trahir notre conscience devant Dieu, au sein de l’Église, face à notre prochain, et en dedans de soi-même.

Sola Scriptura nous garde humbles

La Bible seule est infaillible. Notre compréhension de la Bible est toujours limitée et parfois erronée. Il s’agit d’un paradoxe : notre conviction de l’autorité normative des Écritures seules produit de l’humilité dans nos attitudes et notre conduite auprès des autres. Seul l’Esprit Saint, au travers de la Bible, peut changer le cœur des hommes et des femmes. Jacqueline, dans son dilemme, ne peut ni juger ni transformer la conscience de ses supérieurs. Toutefois, elle et nous avons une responsabilité de vivre selon la vérité révélée de notre Dieu trinitaire, d’interpeller notre prochain pour qu’il se détourne du mal, de partager la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ telle que les Écritures l’annoncent et d’avouer que nous avons besoin cette même grâce et vérité autant que notre prochain.

Sola Scriptura nous donne du courage

Parce que l’Esprit Saint est l’auteur de la Bible, nous pouvons avoir confiance en ce qu’elle dit. Nous vivons tous, en toute période de l’histoire, dans des contextes culturels que nous devons prendre au sérieux. Nous ne vivons ni à part ni en ghetto. Nous sommes appelés par Jésus à comprendre profondément notre culture, à la valoriser autant que possible, à nous y engager en y servant, et à l’interpeller. Toutefois, Jésus dit que son règne n’avance pas selon les priorités que valorise notre société ambiante. Notre vie de disciple de Jésus-Christ est, a été, et sera toujours contre-culturelle au niveau de notre amour premier et de notre loyauté absolue. Jésus passe avant tout. Alors, nous nous trouverons dans des situations où nous serons mal compris et parfois opposés, comme Jacqueline. Elle et nous devrons prendre des décisions difficiles, pas toujours évidentes et possiblement couteuses. Toutefois, le texte de la Bible doit primer sur notre contexte collectif et notre expérience personnelle. Nous prenons position par amour pour notre Seigneur et à la lumière de sa Parole.  Heureusement, le même Esprit qui est l’auteur de la Bible est aussi celui qui nous donnera son réconfort et sa sagesse. L’Esprit nous donnera le courage pour faire ce qu’il nous dit, par amour pour Dieu notre Père et par reconnaissance envers notre Seigneur Jésus. Ainsi, au lieu de craindre les gens et leurs menaces, nous pourrons vaincre le mal par le bien que nous révèlent les Écritures. Car se soumettre à sola Scriptura, c’est vivre par l’Esprit et marcher selon l’Esprit (Galates 5,25).  

 

Jean Zoellner est Doyen de la Faculté de théologie réformée Farel à Montréal

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